Musée de la Terre


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Quel est l'âge de la Terre? Dès que les Hommes ont eu conscience de l'existence de la Terre, ils ont été préoccupés par cette question.

Au départ, les Hommes avaient une conception fixiste de la Terre. Ils pensaient que sa formation avait été le fruit d'une succession d'évènements catastrophiques et qu'elle avait acquis rapidement l'aspect qu'ils lui connaissaient. L'idée de la création de la Terre en six jours a ensuite été reprise par l'Église et cette conception a dominé jusqu'au 19ème siècle.

Calculé à 4000 ans avant J.-C. à la Renaissance, l'âge de la terre sera estimé à quelques dizaines de millions d’années à la fin du XIXe siècle.
Il est maintenant fixé à 4,7 milliards d’années.
Comment notre planète a-t-elle pu vieillir de plus de 4 milliards d’années en 400 ans ?


galaxie

Le XVIIIe siècle voit s’ébaucher des idées qui vont presque toutes se développer par la suite:
1. Les temps de stratification et d’érosion.
2. Les temps de refroidissement extrapolés à la Terre.
3. La teneur en sel des océans.
4. L’évolution de la distance Terre-Lune.




L’âge biblique

marc chagall


Pour Aristote, la Terre a toujours existé, tandis que les grandes religions monothéistes (juive, chrétienne et musulmane) introduisirent une création du monde.
Il s’agissait de l’apparition quasi-simultanée de l’Univers, de la Terre, des plantes, des animaux, du genre humain.
Pour les savants de la Renaissance, le récit biblique était la seule base de calcul possible:
Adam a vécu 930 ans, il enfanta Seth à l’âge de 130 ans, qui engendra Énoch à 105 ans, qui engendra Qénân à 90 ans, etc.
Noé est né 1 056 ans après la création. Comme Noé avait 600 ans quand arriva le Déluge, ce dernier est daté de 1 656 ans après la Création.
Abraham naît 292 années plus tard. Ensuite la chronologie est beaucoup plus floue.
Il faut alors la raccorder à l’histoire profane du règne de Nabuchodonosor II au VIe siècle av. J.-C. :
3993 av. J.-C., selon Johannes Kepler (1571-1630)
3998 av. J.-C., selon Isaac Newton (1643-1727)
4004 av J.-C., selon l’archevêque anglican James Ussher2


Les temps de stratification et d’érosion

stratification


La datation par stratigraphie reposait sur la règle de trois : s’il faut cent ans pour déposer un millimètre d’argile et si la couche mesure un mètre, alors le temps de dépôt est de 100 000 ans.
Les temps d’érosion, de creusement de vallées ou de canyons ont été étudiés avec cette même méthode.
Le Danois Niels Stensen (1638-1686) est le fondateur de la stratigraphie. Il n’en a tiré aucune conclusion sur l'âge de la terre et resta fidèle à l’âge biblique.


erosion

Benoist de Maillet (1656-1738) fut un précurseur de Buffon. Toute la terre a émergé de la mer. Il extrapole la vitesse de retrait de la mer, notamment à partir d’anciens ports alors dans les terres, et aboutit à un âge de deux milliards d’années.


Au XIXe siècle, notamment grâce à Georges Cuvier (1769-1832) et William Smith (1769-1839) qui eurent l’idée de dater les couches géologiques par les fossiles qu’elles contenaient, la stratigraphie constitua la principale source de renseignement sur l’histoire de la Terre.
Elle permettait de comparer des âges, mais pour donner un âge absolu, elle resta toujours dépendante de l’estimation des temps d’érosion et de déposition.



Les temps de refroidissement

refroidissement

Buffon peut être considéré comme le fondateur de la datation scientifique.
Il propose des modèles théoriques et des mesures expérimentales afférentes:
la Terre serait le résultat du refroidissement d’une planète composée initialement de roches en fusion.
Son hypothèse est celle d’une sphère incandescente qui se refroidit.
Dans ses forges de Montbard, il chauffe au rouge des sphères de rayons différents et composées de matériaux variés, puis en mesure les temps de refroidissement jusqu’à la température ambiante. Il extrapole ses résultats à une sphère aux dimensions terrestres.
Mais il ne dispose d’aucune théorie pour le faire et son extrapolation – linéaire – menée à partir de boulets de dimensions comprises entre 1/2 pouce et 5 pouces, jusqu’au rayon terrestre de 6 400 km, est fausse.

terre

Arrive alors le « secours » de la théorie en la personne de William Thomson (1824-1907) qui deviendra Lord Kelvin. En s’appuyant sur l’équation de la chaleur, il donne d’abord une fourchette de 20-400 millions d’années en 1862, puis la réduit à 20-40 millions en 1897.

Il faut comprendre pourquoi cette affirmation a été prise pour parole d’Évangile : la validité de l’équation de Fourier, toujours testée avec succès, semble impossible à mettre en défaut ; elle avait presque la même autorité que la loi de la gravitation.



La salinité des océans

bolivie

Edmund Halley (l’homme de la comète, 1656-1742) explique que la salinité de la mer a été apportée par l’eau douce des rivières. L’eau douce des rivières contient quelques sels provenant des roches qu’elle érode.
Elle fournit continûment ces sels à l’océan qui, en permanence, évapore de l’eau douce : l’eau de l’océan se charge petit à petit en sels des rivières.
Ainsi, en estimant la quantité de sels des océans et le débit total des fleuves (en tonnes de sel par année), on peut déduire le temps nécessaire à leur apport.
Halley n’a pas donné d’estimation, mais pensait que son modèle prouverait que la Terre était beaucoup plus vieille qu’on ne le croyait.
Plus d’un siècle plus tard, cette idée fut exploitée par John Joly (1857- 1933) pour estimer l’âge de la formation des océans, soit 90 millions d’années.
Celui de la Terre est évidemment supérieur. Ce modèle d’apport de sodium est très simple mais erroné : la salinité des océans n’a que peu varié depuis un ou deux milliards d’années. Mais cette estimation a joué un rôle encore au début du xxe siècle.


L'évolution biologique

charles darwin

L'âge récent de la terre estimé par les physiciens est accepté dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Mais Charles Darwin (1809-1882) n’y croyait pas.La sédimentation qui a duré plusieurs dizaines de millions d’années ne contient pas de variation dans l’évolution des fossiles emprisonnés. Ceci ne correspond pas à la théorie de l’évolution des espèces de Darwin.
Cette échelle de plusieurs dizaines de millions d’années est infime devant les temps d’évolution réelle de la faune et de la flore.
Darwin pensait plutôt en milliards d’années.
Darwin ne voulait pas pour autant nier l’universalité des lois de la physique incarnées par Kevin. Cet antagonisme entre Darwin et Kelvin fut utilisé par tous les adversaires de Darwin afin de ruiner sa théorie de l’évolution considérée comme une abomination: elle faisait descendre l’homme du singe !


La distance Terre Lune

georges darwin

La Lune, initialement issue de la Terre, s’en écarte.
Disposant d’un modèle de l’évolution de la distance Terre- Lune, et en remontant le temps, on peut avoir une idée de la date de la séparation et de l'âge minimum de la Terre.
L’astronome Georges Darwin (1845-1912), fils de Charles, s’est attelé à cet épineux problème.
Il a obtenu un âge de 56 millions d’années, confortant le point de vue de Kelvin.


La radioactivité

marie curie

La découverte de la radioactivité, à la fin du XIXe siècle, permit de donner un âge absolu à la Terre, âge aujourd’hui fixé à 4,7 milliards d’années.
Elle invalidait les calculs des physiciens du siècle précédent. Le « vast amount of time » de Darwin y gagne sa pleine accréditation scientifique.

L’horloge absolue

En 1902, Ernest Rutherford (1871-1937) et Frederick Soddy (1877-1956) établissent la notion de période d’un élément radioactif.
Ils s’aperçoivent que le temps qu’il faut pour que l’activité d’un élément radioactif diminue de moitié est une constante qui ne dépend que du noyau étudié. C’est cette régularité qui fait de la radioactivité une horloge utilisable.

Rutherford a d’abord utilisé la quantité d’hélium dégagée par la désintégration radioactive de l’uranium et obtenu une estimation de 497 millions d’années, qu’il savait sous-estimée puisqu’une grande quantité d’hélium s’était certainement échappée de la roche

radioactivité

En 1905, Bertram Borden Boltwood (1870-1927) comprit que la désintégration de l’uranium produit du plomb. En se servant des âges géologiques des roches, il constata que le rapport Pb/U est d’autant plus élevé que la roche est vieille.
Aussi il proposa une méthode plus fiable en mesurant le plomb comme élément final (et non volatil) de la désintégration de l’uranium.
Avec cette méthode, Boltwood obtint en 1907 une fourchette d’âge comprise entre 410 millions et 2,2 milliards d’années.

Afrique du Sud


Clair Patterson (1922-1995) comprend que les plus vieilles roches accessibles, situées à la surface de la Terre, ne peuvent fournir que l’âge de la croûte terrestre consolidée.
Plusieurs grandes structures géologiques appelées cratons existent et dont l’âge excède les 3 milliards d’années (Canada, Afrique du Sud, Australie).


Dans les années 1930, les astronomes dataient, quant à eux, les « débuts » de l’Univers à 2 milliards d’années. C’était l’âge estimé à partir d’une estimation erronée du taux d’expansion de l’Univers par Hubble. Cet âge sera revu pour aboutir aux 13,7 milliards d’années du Big-Bang.

New York météorite

Où trouver des échantillons réellement primitifs ?
La réponse se trouve dans les météorites.
Le Soleil, la Terre et le système planétaire sont nés presque simultanément.
Les modèles d’accrétion qui expliqueraient la formation de la Terre sont encore discutés, mais tous donnent des durées de formation de l’ordre de quelques dizaines de millions d’années.




Actuellement, la datation s’estime généralement en utilisant plusieurs chaînes de désintégration : potassiumargon, thorium-plomb, uranium-plomb, rubidium-strontium.
Dans la plupart des cas, on peut tester la cohérence interne du modèle en vérifiant que des résultats de mesure se retrouvent sur une courbe théorique.


Conclusion

systeme solaire

Après tant de variations, peut-on considérer l’âge de la Terre comme définitivement fixé ?
Comme toute vérité scientifique, il pourrait être invalidé par la remise en cause des hypothèses faites, à savoir :
– les périodes des éléments radioactifs n’ont pas varié dans le temps
– les modèles de formation du système solaire sont fiables en ce qui concerne les durées.

Pour Ussher ou Newton, la réponse se trouvait dans la Bible, source divine de vérité. Les données empiriques n’étaient pas extraites du terrain, mais du Livre Saint.
Aucune confrontation à des résultats expérimentaux n’était envisagée.
Il s’agissait d’une démarche très savante mais scolastique (fondée sur des textes).

Buffon est l’un des premiers à rompre avec cette logique.
Il a proposé des théories, des expériences correspondantes et des mesures.
Cet âge de 4,7 milliards d’années n’est pas un simple nombre : seule cette échelle de temps rend intelligibles l’établissement de l’ordre du système solaire et la complexité du vivant

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